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Dans les secrets du Kevlar® : Visite du centre de recherche DuPont™


Le Kevlar®, vous connaissez ? Ce matériau est omniprésent dans notre équipement. Jeans moto, casques, gants, mais aussi pièces de nos bécanes, il fait valoir ses qualités un peu partout où vous pouvez poser le regard. DuPont™, l’entreprise américaine qui l’a découvert, nous a ouvert les portes de son centre de recherche à Genève. Venez éprouver avec nous  les propriétés du Kevlar® !

Avec deux siècles d’histoire à son actif, la société américaine DuPont™ (fondée par un émigré français, s’il vous plaît !) n’est pas à proprement parler une jeune pousse. Face au dédale de couloirs desservant la multitude de laboratoires de son centre de développement, on ressent la puissance technologique de la multinationale dont les solutions touchent quasiment tous les secteurs d’activité : aéronautique, industrie, BTP, défense, agriculture… De la résine utilisée pour concevoir le bouchon de votre bouteille de parfum au plancher ultra-léger qu’on retrouve dans les avions de ligne en passant par les cadres de vélo ou les renforts de portières en matériaux synthétiques des automobiles dernière génération, son savoir-faire dépasse l’entendement. Le Téflon®, le Nylon® ou le Lycra® sont nés dans ses laboratoires. Respect !

Calotte casque Kevlar®

Le Kevlar® entre généralement dans la composition de la calotte des casques en fibre

Dans les coulisses de l’étude du Kevlar®

Mais l’objet de notre visite, c’est le Kevlar® : ce matériau un peu mystérieux, on le retrouve dans un large éventail de ce qui gravite autour de nous : doublures de jeans moto, inserts dans les gants, fils de coutures renforcées, calottes de casques, mais aussi pneus, durits de frein, disques d’embrayages, courroies, etc. La fibre jaune pâle née en 1964 cumule en effet les avantages : légère et modulable, elle se montre très résistante à la chaleur, au cisaillement, à la traction, à la coupure, à l’abrasion, la rupture etc. Bref, toutes les contraintes qu’on peut être amené à rencontrer si par malheur on vient à jour à saluer le bitume d’un peu trop près.

Doublure jean Kevlar®

Le textile Kevlar® utilisé dans la doublure des jeans moto

Pour me prouver que ce n’est pas qu’un discours commercial, j’ai pu assister à deux tests comparatifs avec des matériaux concurrents. Yves, Responsable de Développement chez DuPont™, me guide vers un laboratoire aux airs d’atelier de filature. Une véritable usine textile à petite échelle ! Sur quelques centaines de mètres carrés, on retrouve un large panel de fileuses, tisseuses et autres tricoteuses qui permettent aux ingénieurs de tester toutes sortes de configurations à base de grosses bobines de fil de Kevlar®. De nombreuses machines dédiées aux contrôles et à la mesure des fils permettent d’optimiser les réglages des fileuses. Vous saviez qu’il existait des « machines à mesurer la qualité et la régularité des fils », vous ?

Une machine à mesurer la qualité et la régularité des fils

Une machine à mesurer la qualité et la régularité des fils

Le Kevlar®, qu’est-ce que c’est ?

Avant d’aller plus loin, il n’est pas inutile de préciser la nature du Kevlar®. Ce n’est pas une matière plastique, mais un polymère au doux nom de poly-para-phénylène téréphtalamide appartenant à la famille des aramides qui revendique une excellente résistance à la traction. Imaginez : le Kevlar® est cinq fois plus résistant que l’acier à poids égal ! Puisqu’il ne fond pas et ne se dissout pas, il est produit à l’aide d’une réaction chimique faisant appel à des solvants. Il se présente sous la forme de fibres qui peuvent être filées puis tissées ou mélangées telles quelles à d’autres matériaux (résines, plastiques) pour améliorer leur résistance.

Comparaison Kevlar®/acier

À poids égal, le Kevlar® est cinq fois plus résistant à la traction que l’acier

Abrasion : 20 fois plus résistant que du jean classique

On s’approche d’une Mesdan, un banc dédié aux tests d’abrasion par impact. J’ai déjà eu l’occasion d’en voir un à l’œuvre chez Furygan. Un premier patch de textile est mis en place sous mes yeux. Il s’agit d’un coton Denim, présenté comme « indestructible » par son fabricant – disons un coton de jean classique de bonne qualité. 0,6 seconde de frottement suffit à le perforer. Je prends ça comme un rappel : le meilleur des jeans de prêt à porter n’offre aucune protection à moto ! Un patch de coton doublé de maille Kevlar®, celle qu’on retrouve dans l’équipement motard, lui succède. Il faut cette fois plus de 13 secondes de frottement à la bande abrasive de grain 60 lancée à 28 km/h pour arriver au point de rupture (voir vidéo). Soit plus qu’il n’en faut pour que vous ayez arrêté votre glissade. Convaincant, non ?

Banc MESDAN abrasion

Un banc MESDAN, destiné à tester l’abrasion par impact d’un échantillon de textile

Chaleur : Fiable jusqu’à 400°C !

Dans un autre laboratoire pourvu d’une hotte aspirante, Yves lance avec un assistant un second test sur une plaque chauffante. L’exercice est censé simuler un contact du tissu avec le collecteur d’échappement d’une moto, dont la température avoisine les 260°C. À gauche un textile mêlant coton et Kevlar®, à droite un textile concurrent. Le premier tient le coup, même après une dizaine de secondes, le second se déforme presque instantanément et fond, risquant de coller à la peau et d’aggraver la brûlure (voir vidéo, encore !). Il faudrait chauffer à plus de 400°C pour que le Kevlar® commence à se désagréger.

Kevlar® résistant à la chaleur

Le test à la plaque chauffante met en évidence la résistance du Kevlar® à la chaleur

Le bon filage et le bon tissage

Ok, le matériau Kevlar® a plus d’un tour dans son sac pour nous sauver la peau. Résistance à l’abrasion, à la chaleur, à la coupure, au déchirement, etc : ces facultés peuvent être mises en exergue avec le bon filage et le bon tissage. Ainsi les doublures de Kevlar® qu’on retrouve généralement dans les jeans moto font-elles appel à un tissage « bouclette » visuellement proche de celui d’une serviette éponge. Cette configuration assure un bon rapport souplesse/résistance à l’abrasion. Un tissage régulier et serré comme dans les gilets pare-balles offrira quant à lui de meilleurs résultats contre le poinçonnement, par exemple.

Du Kevlar® au microscope

Un échantillon de Kevlar® balistique au microscope

Il est possible de jouer sur de nombreux paramètres lors du filage et du tissage :

  • Nombre de tours donnés au fil, ou à l’inverse retors (ou « twist », comme on appelle les tours dans le sens opposés)
  • Poids du fil (en Dtex)
  • Type de maille
  • Densité de tissage (nombre de fils au centimètre)
  • Tension de tissage (combien chaque fil est tendu)
  • Étapes de lavage ou de finition spécifique
Jean Kevlar® monolayer

Ça a l’apparence du jean, le toucher du jean, mais c’est du jean Kevlar® !

À la recherche de l’équipement du motard parfait

L’équipe d’Yves teste donc les différentes possibilités jusqu’à obtenir le résultat voulu. Parfois, des associations de fibres textiles peuvent correspondre aux attentes. C’est le cas avec les jeans dit « mono layer » (comprenez monocouche). Au lieu de superposer le coton denim du jean classique avec une doublure de Kevlar®, l’équipe a tissé les matériaux ensemble. L’objectif est de décupler la résistance du Denim, tout en préservant le confort et le style du bon vieux jean. Le résultat est assez bluffant : au toucher, difficile de le différencier d’un jean classique. Il existe déjà une bonne variété de finitions (délavé, stretch, réfléchissant, etc.) qui laissent une belle marge de manoeuvre aux fabricants. Si le niveau de protection n’atteint pas celui du double couche, la versatilité et la discrétion du pantalon le rend utilisable au quotidien par un large éventail d’utilisateurs. Une affaire de compromis, quoi !

Gant moto Alpinestars Kevlar®

Ce gant Alpinestars est renforcé de Kevlar®

Résistance aux UV : Le point faible du Kevlar®

Zéro défaut pour le Kevlar® alors ? Quand même pas. Ainsi peut-on lui reprocher sa faible résistance aux UV. La parade est toute simple : il suffit de le mettre à l’abri des rayons du soleil ! C’est par essence le cas avec les doublures, toujours situées sous une couche extérieure. Et sur les textiles one layer cités ci-dessus, le coton enrobe le fil de Kevlar® et joue le rôle d’écran. Tout bête.

Certains l’ont accusé de ne plus offrir la même protection quand il était mouillé. Si c’est effectivement le cas pour le Kevlar® balistique, on ne peut pas en dire autant quand il est utilisé dans l’équipement moto. Au contraire, même, si l’on en croit les tests réalisés par l’équipe d’Yves. Eh oui, si la doublure Kevlar® de votre jean s’imprègne d’eau, celle-ci jouera le rôle de lubrifiant, améliorant ses performances de résistance. De même, les lavages en machine successifs auraient plutôt tendance à améliorer (légèrement) ses perfomances que l’inverse… Proscrivez simplement l’eau de javel.

Garde-boue en Kevlar®

Un garde-boue en Kevlar® avant finition

Du Kevlar® pour protéger nos motos ?

On fait un petit détour par un atelier où trône une Suzuki RM 250 2T. Travis Pastrana, l’icône du Freestyle, à confié à l’équipe d’Yves la préparation d’une moto. Objectif : la rendre plus résistante à son usage pour le moins extrême. La collaboration mêle sponsoring et expérimentation. Les ingénieurs planchent en effet sur tout un tas de solutions innovantes autour du Kevlar® pour répondre à la demande de l’Américain. Comme la peinture du cadre chargée de Kevlar® pour résister à toutes les agressions, le garde-boue incassable alliant Kevlar® et fibre de carbone ou les carters anti-chocs.

Peinture fibre Kevlar

La peinture chargée de fibre de Kevlar® se montre très résistante

Plus original encore, Yves élabore actuellement un rayonnage à base de fil Kevlar® pour les roues. Les rayons ne travaillent qu’en tension, et rien n’empêche donc de faire appel à un fil, pourvu qu’il soit costaud. Une occasion de démontrer la résistance à la traction du matériau. Impressionnant de se dire que des bouts de ficelle pas plus gros que des lacets vont encaisser des sauts de plusieurs dizaines de mètres de long. Une belle façon de faire de la com’ !

Fil Kevlar® rayonnage

Ce fil Kevlar® est utilisé pour rayonner les roues de la moto de Travis Pastrana

Le « jean Kevlar® », devenu nom générique… pour le meilleur et pour le pire !

À ce propos, peut-être vous demandez-vous (comme moi) pour quelle raison Kevlar® aurait besoin d’en faire, de la com’. C’est vrai, après tout, la dénomination de jean Kevlar® est pour ainsi dire devenue générique. N’importe quel jean moto renforcé est rebaptisé jean Kevlar®. Même lorsque les pantalons moto en question intègrent des matériaux concurrents, des textiles de moindre qualité, voire uniquement du coton.

Ce qui pourrait passer pour une chance sur le plan marketing au premier coup d’œil n’en est en effet pas vraiment une. DuPont™ craint surtout que le nom de son matériau soit associé à de l’équipement qui n’assure pas une protection correcte, avec le risque de ternir son image de marque. Une campagne de communication (parfois assortie d’incitations plus… persuasives…) auprès des professionnels du secteur est donc en cours pour essayer de redresser la barre.

Étiquettes Kevlar®

À compter de 2019, l’équipement intégrant du Kevlar® sera identifié par ces étiquettes

Comment reconnaître un équipement intégrant du Kevlar® ?

De votre côté, si vous souhaitez trancher la question, rien de plus simple. Recherchez le nom « Kevlar® » dans les fiches techniques des produits présentés sur nos pages. Et si vous passez dans l’un de nos shops (ou ailleurs), il est aussi bon à savoir qu’à compter de 2019, les produits incluant du Kevlar® seront ornés du logo de la marque, disposé sur une étiquette cousue et sur une étiquette carton. Indice supplémentaire, l’équipement moto intégrant du Kevlar® fait systématiquement l’objet d’une certification. En d’autre termes, vous pouvez être certain que des gants/pantalons/blousons moto non certifiés n’en contiennent pas !

Alors, convaincus par le Kevlar® ? Ce matériau léger et costaud semble parfaitement adapté aux contraintes du motard. Nul doute que de nouvelles applications de cette fibre pleine de ressources et en continuelle innovation viendront nous épauler dans notre pratique à l’avenir !

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Loïc

Rédacteur et testeur pour Motoblouz, je suis fan inconditionnel de routes à virages. La moto est pour moi un moyen d'évasion comme un moyen de transport.

1 commentaire(s)

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  1. kikihermandad 14 octobre, 2018 at 13:48 Répondre

    Je suis Hollander. Je lis raisonnablement français. Grand compliment avec votre article de Kevlar. Grande explication de test avec vidéo. Votre compagnie est recommandée.

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