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EICMA : La vision tête haute, pour aujourd’hui ou pour demain ?


La vision tête haute à l'EICMA

En 2017, la montée de l’électrique et de la moto connectée à l’EICMA avait frappé mon esprit un peu innocent de motard biberonné au sans plomb. Cette année, bien que plus discret sur les stands, c’est le HUD qui m’a tapé dans l’oeil. HUD (prononcez « heude » si vous voulez avoir l’air dans le coup), comme Head Up Display, ou « systèmes de vision tête haute » dans la langue de Maître Capelo.

L’objectif de ces petits écrans intégrés aux casques est d’infuser dans votre champ de vision des infos pratiques, liées à la navigation, aux conditions de circulation, et plus encore. Avec pour finalité de limiter les coups d’œil intempestifs vers le tableau de bord, le GPS, ou le téléphone. Autrement dit de faire en sorte que vous ne quittiez plus la route des yeux. Un sacré bond question sécurité, non ?

À Milan, j’ai croisé cinq solutions de vision tête haute (disons VTH, histoire de gagner en lisibilité). Toutes très différentes question interfaces et fonctionnalités : du casque intégrant l’écran au module à fixer à l’extérieur, apportant de la rétrovision, des indications GPS ou votre niveau de carburant… On en fait un petit tour, avant que je joue les rabat-joie en évoquant les travers possibles de cette techno innovante !

 

Casque Sena Momentum HUD

Casque Sena Momentum HUD

Sena Momentum HUD : Monsieur propre

On en avait rêvé, Sena l’a fait ! Le Sena Momentum HUD est l’un des produits les plus aboutis de notre échantillon. On voit qu’il est prêt à être commercialisé. Pour avoir déjà manipulé le Sena Momentum et sa déclinaison Lite, le concept est au point et la finition à la hauteur. Le Momentum HUD intègre un kit conçu par un poids lourd du VTH, DigiLens. Il s’appuie sur un écran placé en face de l’œil droit. Rien ne manque parmi les infos potentiellement affichées : indications de navigation du GPS, vitesse instantanée, notifications des appels entrants, piste musicale jouée, jauge à essence. D’autres applications pourront aussi envoyer leurs notifs sur cet écran assez lumineux pour être bien lisible de jour. L’autonomie annoncée est de 8 heures en fonctionnement, de quoi couvrir une bonne journée de balade.

Le casque dispose aussi d’une caméra, mais qui n’entre a priori pas en jeu dans le VTH. Elle intéressera surtout les Youtubers et ceux qui souhaitent se servir de la vidéo pour étayer leur déclaration aux assurances en cas de sinistre.
Seul le poids de l’ensemble risque de vous refroidir. Le Sena Momentum pesait déjà 1,8 kg ; j’imagine que la version HUD ne s’allège pas avec l’attirail nécessaire à la VTH (électronique, écran, caméra intégrée…). On doit bien flirter avec les deux kilos. Conséquent.

Le casque CrossHelmet X1

Le casque CrossHelmet X1

CrossHelmet X1 : 360° de vision

L’imposant CrossHelmet X1 a dépassé le stade du développement. Dispo en précommande sur Kickstarter puis sur IndieGoGo, ce casque complet a le mérite de défricher de nouveaux territoires en matière de technologie. Le système VTH n’est que l’une des innovations qu’il intègre. Il dispose ainsi d’un système de réduction active du bruit, d’une connectivité avancée qui lui offre les fonctions d’un intercom, d’une commande tactile sur la platine droite, de LEDs de visibilités, de commandes vocales… C’est clairement le plus évolué techniquement des cinq systèmes ici présentés

Mais là où le X1 sort le plus du lot à mon sens, c’est qu’il utilise le VTH comme écran de rétrovision. Une caméra située à hauteur de la nuque filme ainsi ce qui se passe derrière vous, et le VTH le diffuse en live. Cumulé à la large ouverture dans la calotte, CrossHelmet annonce un champ de vision à 360°… Difficile de se représenter ce que ça peut donner. Vous imaginez, vous, ne plus consulter vos rétros ni contrôler vos angles morts avant de changer de direction ?

Du côté des autres indications offertes par le VTH, le CrossHelmet X1 fait dans l’economie, n’affichant à ce jour que les indications GPS, l’heure, la distance restante pour le trajet en cours et la disponibilité de réseau téléphonique. Ce casque développé au Japon se montre homologué ECE 22.05, DOT et JIS, et s’avère donc utilisable en Europe sans problème. Une option écran photochromique est même prévue. Ils ont pensé à tout, les Japonais ! Reste le gabarit plus qu’imposant du bestiau. Rien d’étonnant au regard de tous les services qu’il offre.

Le casque Skully Fenix AR et son module HUD

Le casque Skully Fenix AR et son module HUD

Skully Fenix AR : La vision tête haute moto à l’ancienne

Où en est Skully ? L’EICMA vient de mettre un terme à une longue période de doute : Skully n’est pas mort ! La boîte, désormais basée à Atlanta, a été rachetée il y a peu et disposait d’un tout petit stand sur le salon – on sent que la période de levée de fonds miraculeuse est loin derrière. Quoi qu’il en soit, on pouvait y voir son casque, le Fenix AR. Il faut bien l’avouer, en cinq ans, la techno a pris un petit coup de vieux, et les concurrents lui ont mis un boulevard. Question lisibilité, le petit prisme monté sur le bord de la mentonnière du Fenix AR est maintenant à la traîne. Dommage, parce que les infos mises à dispo restent dans le coup : projection de ce qui se passe derrière vous avec l’aide d’une caméra arrière, infos de navigation avec distance avant le prochain changement de direction et nom de la rue empruntée. Le système fait également office de kit mains-libres avec intégration au smartphone et commandes vocales.

Finalement, le plus gros atout du Skully Fenix AR, c’est le casque à proprement parler. Cet intégral se montre bien plus « portable » que les autres, avec un poids gravitant autour des 1700 g, notamment grâce à sa calotte en carbone. Il est en plus équipé d’une lentille antibuée Pinlock, et dispose d’un système d’extraction d’urgence. Bref, ici, le casque c’est pas qu’une enveloppe au système de VTH.

Livemap : Une expérience prometteuse

Le casque HUD développé par Livemap annonce une expérience optique intéressante. C’est le seul de notre échantillon sur lequel les informations seront affichées sur l’ensemble de l’écran du casque. Le rendu s’approcherait ainsi un peu plus de la réalité augmentée que les autres systèmes VHT, avec pour objectif une plus grande lisibilité. Si l’on en croit Andrey Artishchev, le fondateur de cette techno inspirée des VTH des pilotes de chasse, le rendu est beaucoup plus naturel dans la mesure où les infos semblent naviguer à une vingtaine de mètres devant vous. Pas besoin de faire de mise au point avec nos petits yeux fragiles. Je n’ai pas pu tester le prototype de troisième génération (un peu bringuebalant) présenté au salon pour confirmer ses dires.

Les indications liées à l’itinéraire, la vitesse réelle, les notifications liées aux appels constitueraient le socle d’infos affichées, susceptible d’évoluer avant le lancement officiel. Une dash cam sera là aussi prévue. Gardons aussi en tête que cette technologie reste en développement : la présence de Livemap à l’EICMA visait d’ailleurs plus à recruter des business angels que de futurs clients. On peut s’attendre à d’autres fonctionnalités le jour du lancement officiel.

Le système Nuviz HUD

Le système Nuviz HUD

Nuviz HUD : Pour tous les casques

Sur le stand Schuberth, pas loin du nouveau C4 Pro, trônait sous vitrine un kit Nuviz spécialement adapté au système de communication du C4 et du R2. Ce système tout intégré de VTH se distingue des modèles cités plus tôt : il ne s’agit pas d’un casque complet, mais d’un kit universel à monter sur votre casque préféré. Le module finlandais se fixe en effet sur la mentonnière, à l’extérieur, sans modification majeure. Unique sur le marché. Ce qui fait de lui le VTH le moins dispendieux de tous. Le boîtier, étanche, intègre donc le prisme qui fait office d’écran, une caméra et toute l’électronique embarquée. Il ne restera que les oreillettes et le micro à placer à l’intérieur de la calotte. Apte à faire office de kit mains-libres, il dispose d’une connexion Bluetooth à votre smartphone, qui vous permettra de profiter de ses ressources musicales ou de répondre aux appels. En revanche, le Nuviz dispose de son propre système de navigation, donc il laissera Maps ou Waze tranquilles. Pas besoin du téléphone pour arriver à destination.

Les infos disponibles sont réduites au strict nécessaire pour ce genre de kit : vitesse instantanée et limite, consignes directionnelles du GPS, notifications des appels entrants, piste musicale jouée. Comme celle du Sena Momentum, la caméra Full HD est annexe et remplacera une GoPro.
Petit plus par rapport à ses concurrents, il est pilotable par une télécommande compacte à fixer au guidon, livrée dans le coffret. Flirtant avec le quart de kilo, le kit VTH Nuviz risque quand même d’avoir un impact sur le comportement du casque, d’autant qu’il fait levier vers l’avant par son montage sur la mentonnière.

module du CrossHelmet X1

Le module du CrossHelmet X1 prend de la place au niveau du front

Une infinité de possibilités, mais beaucoup de travers possibles

Si l’idée d’être informé sur ce qui compte pour vous sans avoir à quitter la route des yeux est séduisante, les systèmes de VTH peuvent aussi générer pas mal de nuisances directes ou indirectes, qu’on n’imagine pas tant qu’on n’en a pas essayé un.

D’abord, en fonction de la façon dont il est intégré au casque, le VTH peut nuire à sa capacité de protection. Pas de VTH sans organes électroniques, qu’il faut bien planquer quelque part. En général, en creusant dans le calottin en polystyrène du casque… Prenez le système CrossHelmet par exemple, avec son boîtier doublé d’un écran monté au niveau du front, il pourrait atteindre à l’intégrité de votre visage en cas de gamelle sévère. Le système Nuviz épargne ce genre de désagrément, mais l’excroissance qu’il cause à l’avant du casque n’est probablement pas un avantage non plus : un bon casque est un casque qui glisse sur la sur la chaussée en cas de gamelle. Ce boîtier pourrait entraver le déroulement des opérations…

La profondeur de champ, à surveiller !

Ensuite, les VTH peuvent imposer une gymnastique oculaire peu intuitive. La plupart des VTH moto simulent en effet une projection des infos en avant-plan par rapport à la route et ce qui s’y passe. Pour lire les infos en question, vous êtes obligé de « changer le focus » de l’infini à quelques mètres devant vous. Un peu comme un appareil photo qui doit faire la mise au point du paysage vers l’objet au premier plan.

Alors effectivement, votre regard ne change pas d’axe, mais cette gymnastique oculaire réclame quelques instants (et un peu d’habitude), le temps de lire la direction de la flèche du GPS ou le signal d’alerte annonçant une zone de danger. L’exercice n’est sans doute pas si lointain que celui de baisser les yeux vivement pour lire le GPS monté sur votre guidon. Le système Livemap et le SENA Momentum HUD semblent s’épargner ce désagrément avec respectivement 20 et 10 mètres de profondeur de l’affichage perçu par l’utilisateur. Bref, il faudra s’assurer que l’expérience est naturelle avant de craquer !

Rendu Livemap HUD

Le rendu qu’espère obtenir l’équipe de développement du casque Livemap

Soyons pragmatiques : quid de la buée ?

Par ailleurs, je suis curieux de savoir si ces écrans disposés dans le champ de vision ne se tapissent pas de buée dès qu’il fait un peu froid… Espérons qu’un traitement antibuée performant sera prévu, en particulier sur le VTH de Sena, dont l’écran embué condamnera un œil complet !  Le système Nuviz, qui fait bande à part en s’installant à l’extérieur du casque, occupe une zone moins capitale du camp de vision (en bas à droite), et doit donc limiter les pertes quand il est embué/mouillé/sale.

La VHT, ennemis de la concentration ?

Enfin, je me pose la question suivante : est-ce qu’encombrer son champ de vision d’informations secondaires n’est pas susceptible d’affecter la concentration, en particulier quand on est un peu fatigué ? Là ou sans VTH, on se laisse déjà parfois surprendre par une mamie qui tourne sans mettre son cligno ou ce ralentissement surprise sur la quatre-voies, l’ajout de trucs qui brillent 100% du temps dans son champ de vision ne risque-t-il pas de se montrer contre-productif ? À la décharge du méchant GPS qui nous oblige à quitter la route des yeux de temps en temps, on n’est pas obligé de voir ses consignes en continu.

Wait and see…

Vous l’avez compris, je suis assez insensible à l' »effet wahou » des systèmes de vision tête haute. Ou plutôt j’attends de voir avant de m’emballer si la plus-value par rapport aux technos plus anciennes type GPS en dur existe vraiment, et si elle en vaut l’investissement. Parce que ce que j’ai testé en la matière jusqu’à aujourd’hui ne m’a pas bluffé outre mesure. Cela dit, je ne demande qu’à être surpris !

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Loïc

Rédacteur et testeur pour Motoblouz, je suis fan inconditionnel de routes à virages. La moto est pour moi un moyen d'évasion comme un moyen de transport.

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